• Le site de la Ville des Dieux révélé par l'artisan du Roi Soleil

    UN GRAND CRI DU COEUR !

    Le site de la Ville des Dieux révélé par l'artisan du Roi Soleil

    Commandé en son temps par la Direction Générale de l’Urbanisme, de l’habitat et de la construction, Mme Fortier-Kriegel, architecte et paysagiste, experte au conseil général des Ponts et Chaussées, docteur de l'École des hautes études en sciences sociales et professeur à l'école d'architecture de Lille, rendait compte de sa « Mission sur l’histoire et la modernité  du paysage des régions de France ».

    EXTRAIT DES "PAYSAGES DE FRANCE" rapport d'Anne FORTIER KRIEGEL

     

    Décembre 2004

    "Entre « Les pays de Seine, Normandie et Chartrain », dans le département des

    Yvelines, à 35 kilomètres de Paris, à 15 km de Versailles, ceinturé par l’urbanisation

    nouvelle de St Quentin en Yvelines et de Plaisir, le site de Jouars Pontchartrain se

    présente comme une oasis agricole exceptionnellement préservée. Il a conservé le

    mystère de la ville antique ensevelie et oubliée dans son sous-sol. Il est aussi marqué

    par l’art de l’aménagement à la Française dès les débuts du monde moderne pour

    organiser le territoire national. Il couvre un périmètre de deux mille hectares.

    Le site de Jouars Pontchartrain présente (comme à Versailles) une vallée suspendue au

    dessus du niveau de la Seine, il rassemble les eaux de plusieurs ruisseaux et rivières ;

    le ru d’Elancourt, la Mauldre, le Lieutel, la Guyonne…, qui ont creusé comme un

    amphithéâtre dans les plateaux du Bassin Parisien. Il offre aujourd’hui un paysage

    doucement ondulé appuyé sur les grands coteaux de Neauphle et de Saint-Quentin et

    sur les buttes boisées qui annoncent la forêt de Rambouillet.

     

    Jouars Pontchartrain n’est pas un élément isolé, il participe du réseau fondateur

    du territoire national.

    Attaché à la construction de l’Etat royal, il appartient au grand système classique

    des établissements aristocratiques de la région Parisienne.

    Ce réseau est formé d’abord par les résidences royales du Louvre à Paris, puis par celles

    de Versailles, St Germain, Marly, St Cloud, Vincennes, Meudon.., enfin par les

    domaines des grands serviteurs de l’Etat avec (à titre d’exemple) Colbert à Sceaux et

    Maurepas à Pontchartrain.

    On se souvient que depuis le XVIe siècle, la chasse et l’exploitation rationalisée du

    bois ont généré de grands parcs et l’aménagement des forêts.

    Le site de la Ville des Dieux révélé par l'artisan du Roi Soleil

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le château de Pontchartrain implanté dans un point bas déploie la grammaire des

    établissements seigneuriaux, un petit parc, un grand parc, des pièces d’eau, des

    perspectives axées sur le château... Arrivant du coteau de St Quentin à l’est, le château

    est mis en scène par la construction d’un grand axe qui le signale depuis Sainte-

    Apolline, comme élément d’importance. Le rond point en haut du coteau, puis à

    l’ouest, le carrefour de la grande croix, préfigurent sa découverte. La démesure de

    l’axe qui se prolonge au delà du château à l’ouest en fait le plus long jamais réalisé par

    Le Nôtre. Il montre toute l’importance et la puissance du château. Ce n’est qu’au deux

    tiers de la pente que l’on découvre le château niché dans le creux de vallée. Le passage

    des grilles d’entrée révèle par un soudain agrandissement visuel, un palais présenté

    dans toute la largeur de sa façade. Le Nôtre a transformé entièrement le parc en

    allongeant démesurément, jusqu’à 13 km, les perspectives. L’axe dessiné par Le Notre

    a permis de donner un sens à l’orientation de la terre du domaine dans une sorte de

    révélation. Ainsi, à partir du château, le paysage est donné à voir et à comprendre, le

    regard s’élève doucement jusqu’à l’horizon pour une prise en compte du domaine dans

    sa totalité. Ce grand art de l’aménagement à la Française fait penser à l’axe de Paris.

     

     

    Mais ici, l’ensemble est attaché à l’aménagement de la région de Versailles

    dont Pontchartrain forme l’un des domaines satellites.

    Pour bien le comprendre, il faut se souvenir que Le Nôtre a été envoyé à Pontchartrain

    par le Roi lui-même. Il s’agit donc d’un des derniers ouvrages de ce grand artiste et

    peut-être de son chef d’oeuvre. Pour la qualité de sa réalisation et le suivi des travaux

    Le Nôtre s’est appuyé sur le Frère François Romain, moine convers, auteur par ailleurs

    de la construction du pont Royal à Paris.

    Si la réalisation de le Nôtre apparaît encore aujourd’hui réussie, cela tient au fait que

    le créateur a su révéler dans ce site l’esprit du lieu, la « Ville des Dieux ». Diodurum,

    installée au creux de la plaine à l’endroit même du domaine aristocratique, était une

    cité antique de la Gaule du Nord. Sans doute l’une des plus vaste d’Ile de France, elle

    couvrait une superficie de 50 hectares, ce qui la rendait quasiment aussi étendue que

    Lutèce, la capitale des Parisii... Diodurum semble avoir été une ville-étape à 15 lieues

    de Lutèce, moins d’une journée de cheval. Elle était installée au carrefour de deux

    voies romaines stratégiques, Paris-Dreux (d’est en ouest) et Chartres-Les Mureaux

    (du sud au nord).

     

    Sa situation, en fond de vallée de la Mauldre, dans un milieu humide a permis la

    conservation de nombreux vestiges tant sur le plan des aménagements urbains que

    sur celui de matériaux habituellement périssables. Par là, on possède des informations

    utiles sur le mode de vie, la végétation et le paysage environnant qui attestent

    la présence d’une cité active et riche, dotée d’une vie urbaine et d’une activité

    commerciale importante. Selon les archéologues qui ont réalisé les fouilles (lors des

    travaux attachés à la déviation de la RN 12 de 1996 à 1999, 10% du site ont été

    étudié), la cité gallo-romaine possédait tous les équipements traditionnels des villes

    antiques : un théâtre, un forum, des thermes et un temple sanctuaire. Des éléments

    manquent encore pour comprendre la fin de l’occupation de la ville qui, semble

    péricliter vers le Ve siècle. La ferme d’Ithe apparaît assurément comme l’un des

    derniers témoins de cette occupation qui a donné naissance à Jouars où passe

    l’ancienne voie romaine (Itinéraire d’Antonin) puis plus tard à Jouars-Ponchartrain.

    Situé sur une courbe de niveau légèrement surélevée, Jouars (sans doute la nécropole

    de la ville antique) apparaît comme une île qui surplombe les champs. Au delà de la

    ville, les villages médiévaux se sont implantés sur les buttes ou à mi-côte ; Ergal, Le

    Tremblay, Neauphle protègent l’espace agricole.

    Ce site est ainsi témoin d’une urbanisation vieille de plus de deux mille ans, il a été

    préservé par la culture de la terre et sa géographie a été magnifiquement mise en

    valeur par l’intervention d’un grand créateur.

     

    La plaine enrichie de 2000 ans d’intelligence humaine se déploie entre la terre

    et le ciel.

    La terre d’abord, au creux de la vallée, où tout semble à échelle humaine et il émane

    de l’espace agricole une impression de bien-être. De grandes surfaces céréalières

    labourées et cultivées ont ouvert une étendue vaste où, le regard porte à dix kilomètres.

    Pourtant on se sent aussi protégé par la couronne de collines qui délimite la vallée.

    Une marqueterie de couleurs (jaunes des colzas et verts plus profonds des blés)

    participe à la beauté des champs, dont les herbes printanières ondoient au moindre

    souffle d’air. Les routes suivent la micro topographie du site, elles permettent la

    découverte d’évènements familiers : un poirier, un mini bosquet, des fontaines en

    forme de bornes témoins de l’histoire participent au charme du lieu.

    Le ciel ensuite, du fait de l’influence de la géographie, prend ici une importance très

    forte et joue comme la terre du contraste des couleurs selon l’heure et le temps ; d’un

    bleu azur à la Boucher, il devient avec l’orage d’un bleu violet ténébreux.

    Le site de la Ville des Dieux révélé par l'artisan du Roi Soleil

    Placé sous un climat tempéré le site révèle une lumière particulière et subtile : blanche

    et mauve, réchauffée en permanence par le jaune de la pierre meulière des habitations,

    la couleur bistre des troncs tachetés des platanes, le jaune vert de leurs feuilles.

     

    Ainsi ce paysage, reflet de l’extrême délicatesse de l’Ile de France présente

    l’expression apaisée de l’art de vivre à la française dans sa quête humaine

    du bonheur."

    QUE DIRE DE PLUS, SINON QUE LE SITE DOIT ÊTRE PRESERVE ET VALORISE DANS SA GLOBALITE

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