Certes, le 8 mai, jour de commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale a été déclaré  jour férié par François Mitterand mais reste trop peu célébré à mon goût, surtout par les temps qui courrent. Certains se sont battus, d'autres ont été déportés en camp de concentration ou d'autres ont été déportés au Service du Travail Obligatoire en Allemagne. Après avoir été marin dans la Marine Nationale de 1939 à 1941, ce fut le cas de mon père à partir de novembre 1942, envoyé à Berlin chez Siemens. Il aura une permission pour se marier avec ma mère à Elancourt le 17 juillet 1943 mais devra repartir avant de trouver le moyen de rester définitivement en France avant la fin de la guerre. Décédé en 2000, mon père aurait 102 ans le 21 mai 2022.

Voici la retranscription d'une lettre adressée par mon père à ma grand-mère paternelle (certains mots ont été effacés par le temps) : 

Berlin, le 7 mars 1943

Chère maman,

Je n’ai pas de nouvelle de la maison depuis bientôt deux semaines. Mais j’ai reçu ton colis poste : il est arrivé en bon état, mais pour les œufs tu aurais dû les passer dans la ?? comme je te l’avais recommandé. Malgré que je n’aie pas de lettre j’espère que tout le monde va bien et que pour le reste cela marche à souhait. J’ai eu une lettre d’Yvonne, elle ne m’apprend pas grand chose. Elle demande que je la conseille pour les achats mais tu es à même de revoir ce qui est nécessaire*. Tu vas penser qu’on s’y prend bien tôt mais à l’époque actuelle, il faut saisir la première occasion qui se présente surtout avec toutes les difficultés qui se présentent.

*Je suppose qu’il s’agit du futur mariage de mes parents

Tu ne m’as jamais reparlé de la réparation du ?? et de la vente de la voiture. Est-ce que ça a réussi ? …….. de l’Est. Quelle cadence et je crois qu’avec les ?? les départs vont s’accentuer. A propos, je tombe sous leur coupe puisque je suis ici dans les limites indiquées. Je voudrais bien connaître plus amples détails sur ce que je vais faire avec ces nouvelles réglementations. Peut-être encore quelques inconvénients de plus ça serait bien extraordinaire si cela pouvait tourner à mon avantage.

Et Robert, va-t-il mieux. J’espère que tu vas être un peu plus sévère avec lui ça ne lui fera pas de mal. J’ai pensé qu’avec la suppression de la ligne de démarcation, tu verrais rappliquer Ferdinand et Reine : il n’y aurait rien d’étonnant.

Ah ! autre chose as-tu reçu le certificat et tes démarches à la mairie ont-elles abouti ? D’autre part le mandat t’est-il parvenu ? Je crois que tu seras obligée de te déplacer et d’aller au Crédit Lyonnais. Le mois prochain je t’expédierai le même montant sans doute. Enfin, utilises l’argent surtout c’est plus sûr, on aura tout au moins quelque chose d’autre que des morceaux de papier.

Pour ce qui est de moi je ne vois rien à te dire : j’attends, c’est tout. J’attends d’être débarrassé de toutes ces corvées. Après qui viendra verra. Dis donc à Thérèse quelle me passe une lettre et son adresse et qu’elle l’affranchisse bien au prix cette fois-ci.

La chemise que tu m’as envoyée a été tachée par de l’encre, je l’ai passée à la lessive ce soir mais pas moyen de la faire revenir heureusement que ce n’est qu’au poignet et dans le ??

Enfin voilà le beau temps qui revient et c’est un soulagement pour tout le monde. Dimanche, des cigognes sont passées au-dessus de Berlin c’est bon signe, elles ramènent le printemps. Il est vrai que depuis une quinzaine de jours, il fait un temps radieux et on croirait vraiment y être. Yvonne m’écrivait que là-bas c’était pareil j’espère que depuis cela s’est maintenu.

Nous avons changé de bureau et moi qui croyais que nous allions être plus tranquilles puisque nous étions moins. J’ai eu depuis à déchanter et il me semble que l’on cherche vaguement à nous serrer la vis. Peut-être n’est-ce qu’une impression ! Mais je ne crois pas me tromper beaucoup : j’en ignore totalement la raison ; mais ici tous les prétextes sont bons. Qu’importe d’ailleurs.

Je ne vois plus rien à te dire et je te laisse pour ce soir sans oublier de bien vous embrasser.

Ely

PS mettre uniquement l’adresse qui suit :

Martin Ely
Gennei……….
Berlin N54
Brunnenstrasse 196
(Photo actuelle de l’adresse à Berlin)

A noter que mon père était logé chez l'habitant, un homme charmant, semble-t-il, qui possédait un appartement avec salle de bains (rare à l'époque en France).